Insuline et pic de glycémie : faut-il en avoir peur ?

Le 24/09/2024 0

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Insuline et pic de glycémie : faut-il en avoir peur ? Jérôme Caradec - Diététicien nutritionniste

Aujourd'hui, beaucoup de gens craignent les variations de la glycémie. Ainsi, on voit certaines personnes éviter à tout prix les aliments à Index Glycémique (IG) élevé et surveiller de près chaque pic de glycémie, comme s'il s'agissait d'une menace mortelle.

En réalité, sauf en cas de prédispositions au diabète ou si l'on est déjà diabétique, il n'est pas nécessaire d'éliminer systématiquement les aliments à IG élevé. Cette stigmatisation découle de plusieurs idées erronées sur l'insuline, ses effets biologiques et sa sécrétion.

1/ Qu'est ce que l'insuline et comment fonctionne t-elle ?

L'insuline est une hormone, sécrétée par le pancréas.


→ Elle régule les niveaux de sucre dans le sang.

Lorsque vous consommez un repas, les glucides présents dans celui-ci sont décomposés en glucose.
Ce glucose pénètre dans votre circulation sanguine, entraînant une élévation de votre taux de sucre dans le sang. En réponse à cette augmentation, le pancréas libère de l'insuline qui facilite l'entrée du glucose dans les cellules de votre corps, plus précisément du foie, des muscles et des tissus adipeux (cellules graisseuses).

Au fur et à mesure que votre glycémie commence à diminuer, généralement après quelques heures, les niveaux d'insuline dans votre sang diminuent également. Ce processus est essentiel pour maintenir un équilibre dans votre métabolisme. Ce cycle de montée et de descente des niveaux de glucose et d'insuline se répète tout au long de la journée, en fonction de vos habitudes alimentaires.

Il est intéressant de noter que les niveaux d'insuline sont généralement les plus bas tôt le matin et après une période de jeûne d'au moins 8 heures depuis votre dernier repas.


→ Elle favorise le stockage du glucose dans le foie et les muscles.

Dans le foie, le glucose peut être stocké sous forme de glycogène pour une utilisation ultérieure, tandis que dans les muscles, il est utilisé pour fournir de l'énergie lors d'activités physiques.


→ Elle stimule la création de graisses.

L'insuline favorise la lipogénèse, c'est-à-dire la création de nouvelles graisses. Ce mécanisme est essentiel pour le stockage de l'énergie à long terme, permettant au corps de disposer de réserves d'énergie accessibles lorsque cela est nécessaire.


→ Elle inhibe la dégradation des graisses

L'insuline a un effet inhibiteur sur la lipolyse, qui est la dégradation des graisses stockées dans le corps.


→ Elle inhibe la production de glucose par le foie.

L'insuline bloque également la gluconéogénèse, qui est la production de glucose par le foie.


→ Elle stimule la synthèse des protéines.

L'insuline stimule les muscles à construire de nouvelles protéines, un mécanisme crucial pour la croissance et la réparation des tissus musculaires. Ce processus permet aux muscles de se renforcer et de se développer.


Le rôle de l'insuline par Jérôme Caradec - Diététicien nutritionniste

2/ Pourquoi l'insuline a-t-elle une mauvaise réputation ?

Du fait qu'elle stimule la création de graisses, certaines personnes soutiennent que la consommation de glucides, entraînant une augmentation de la libération d'insuline dans le corps, pourrait favoriser le stockage des graisses et, par conséquent, contribuer à l'obésité. Leur raisonnement peut être résumé de la manière suivante :

  • Régime riche en glucides → Insuline élevée → lipogénèse accrue / Lipolyse diminuée → Graisse corporelle accrue → Obésité 

En utilisant la même logique, ces mêmes personnes soutiennent qu'un régime faible en glucides est préférable pour la perte de graisse, car les niveaux d'insuline sont maintenus bas. Leur argumentation repose sur les points suivants :

  • Régime pauvre en glucides → Faible taux d'insuline → Lipogénèse diminuée / Lipolyse accrue → Graisse corporelle diminuée 

Cependant, cette logique repose sur plusieurs idées reçues et mythes qui méritent d'être examinés de plus près.

 

2-1 / LES GLUCIDES SONT LES SEULS RESPONSABLES DE LA SÉCRÉTION D'INSULINE FAUX

En réalité, les protéines jouent également un rôle significatif dans la stimulation de la sécrétion d'insuline.

L'idée selon laquelle les glucides seraient les seuls coupables de l'augmentation des niveaux d'insuline est erronée. Bien que les glucides soient souvent pointés du doigt en raison de leur impact sur la glycémie et l'insuline, il est essentiel de souligner que les protéines peuvent également induire une réponse insulinique marquée.

Une étude a montré que des aliments riches en protéines, comme le poisson, peuvent induire une sécrétion d'insuline comparable à celle provoquée par du pain aux céréales (1) . Dans cette étude, la réponse glycémique de 38 aliments différents n'expliquait que 23 % de la variabilité observée dans la sécrétion d'insuline, ce qui suggère que d'autres facteurs influencent cette réponse hormonale.

Lorsque des protéines sont ingérées, elles sont décomposées en acides aminés. Certains de ces acides aminés, comme la leucine, peuvent stimuler la sécrétion d'insuline (2). Ce phénomène est en partie dû à la capacité des acides aminés à activer des voies métaboliques spécifiques dans les cellules bêta du pancréas, qui sont responsables de la production d'insuline.

 

2-2 / UN RÉGIME RICHE EN GLUCIDES CONDUIT À DES NIVEAUX D'INSULINE CHRONIQUEMENT ÉLEVÉS - FAUX

Une idée reçue est qu'une consommation élevée de glucides entraîne des niveaux chroniquement élevés d'insuline, ce qui favoriserait le gain de graisse en permettant à la lipogénèse de surpasser constamment la lipolyse. Cependant, chez des personnes en bonne santé, l'insuline ne monte qu'en réponse aux repas. Cela signifie que la lipogénèse ne dépasse la lipolyse que durant les heures qui suivent un repas, période connue sous le nom de phase postprandiale. Pendant les périodes de jeûne (entre les repas et pendant le sommeil), la lipolyse l'emporte sur la lipogénèse

"Chez des personnes en bonne santé, l'insuline ne monte qu'en réponse aux repas"

En résumé, l'affirmation selon laquelle une consommation élevée de glucides entraîne des niveaux chroniquement élevés d'insuline et favorise le gain de graisse est simpliste. Chez des individus en bonne santé, l'insuline augmente principalement après les repas et diminue entre ceux-ci, permettant à la lipolyse de prédominer pendant les périodes de jeûne. 

 

2-3 / SANS INSULINE, IL N'Y A PAS DE STOCKAGE DE GRAISSES FAUX

En réalité, votre corps a la capacité de synthétiser et de stocker des graisses même lorsque les niveaux d'insuline sont faibles.

Une des idées reçues sur l'insuline est qu'elle est indispensable au stockage des graisses, ce qui est faux. Votre organisme dispose de mécanismes pour stocker et conserver les graisses, même en cas de faible insuline. Il existe une enzyme dans les cellules graisseuses appelée lipase hormonosensible (HSL), qui joue un rôle dans la dégradation des graisses. L'insuline inhibe l'activité de l'HSL, ce qui empêche la dégradation des graisses. Cela a conduit à blâmer les glucides pour le gain de poids.

Cependant, les graisses peuvent également inhiber l'HSL, même lorsque l'insuline est à un niveau bas (3). Cela signifie qu'il est possible de stocker des graisses, même avec une insuline faible et un apport réduit en glucides, si vous consommez trop de graisses.

 

2-4 / LES PICS D'INSULINE SONT MAUVAIS FAUX

Les pics d'insuline jouent un rôle physiologique essentiel et normal dans le corps. Les variations de l'insuline ne sont pas seulement normales, mais elles sont également indispensables au bon fonctionnement du métabolisme et à la gestion de l'énergie dans l'organisme comme nous l'avons vu précédemment. 

La sécrétion d'insuline par le pancréas se déroule en deux phases distinctes :

  •  La première phase, qui est très rapide, se déclenche lorsque le pancréas détecte une élévation du taux de glucose dans le sang. Dans les 1 à 2 minutes suivant cette augmentation de la glycémie, l'insuline est libérée, grâce à la mobilisation d'insuline préalablement stockée dans votre pancréas. Cette réponse rapide se termine généralement dans un délai de 10 minutes. Cependant, il a été observé que cette réponse en phase rapide est altérée chez les individus présentant une tolérance au glucose diminuée. Ces personnes, bien qu'elles ne soient pas encore diabétiques, montrent une réponse glycémique plus élevée après les repas. Dans le cas des personnes atteintes de diabète de type 2, cette réponse en phase rapide est complètement absente, ce qui contribue à des difficultés dans la régulation de la glycémie après les repas.
  • La deuxième phase de la réponse insulinique se déclenche lorsque les niveaux de glucose dans le sang demeurent élevés. Pendant cette phase, l'organisme libère non seulement l'insuline déjà stockée dans les cellules bêta du pancréas, mais il commence également à synthétiser de nouvelles molécules d'insuline. Ce processus de création d'insuline repose sur un précurseur appelé proinsuline, qui est transformé en insuline active. Ainsi, cette réponse prolongée permet de réguler efficacement la concentration de glucose dans le sang, en assurant une disponibilité suffisante d'insuline pour répondre aux besoins métaboliques de l'organisme.

Il est important de comprendre que les pics rapides d'insuline ne sont pas intrinsèquement néfastes.

 

2-5 / L'INSULINE DONNE FAIM FAUX

De nombreuses études ont mis en évidence le rôle anorexigène de l'insuline (4) au niveau de l'hypothalamus, une région clé du cerveau impliquée dans la régulation de l'appétit. Ces recherches suggèrent que l'insuline joue un rôle crucial dans la modulation de la prise alimentaire en agissant sur des circuits neuronaux spécifiques. En effet, l'insuline semble influencer les signaux de satiété, contribuant ainsi à réduire l'appétit et à réguler le métabolisme énergétique. Ces découvertes soulignent l'importance de l'insuline en tant que facteur déterminant dans le contrôle de l'appétit et du poids corporel.

3/ La différence chez une personne en bonne santé et une personne diabétique

Une étude sur les traceurs métaboliques a suivi ce qui arrive au glucose lorsqu'il est ingéré par voie orale (5). Dans cette recherche, des participants diabétiques de type 2 ainsi que des sujets témoins en bonne santé ont reçu une dose de 1 gramme de glucose par kilogramme de poids corporel. Les chercheurs ont pu suivre non seulement la destination du glucose dans l'organisme, mais également observer les effets sur la production de glucose par le foie. Parallèllement, ils ont mesuré les niveaux d'insuline dans le sang des participants.

Comme on pouvait s'y attendre, l'ingestion de glucose a entraîné uné élévation de la glycémie, accompagnée d'une élévation du niveau d'insuline. Chez les individus en bonne santé, cette élévation de l'insuline a eu un effet significatif sur la production hépatique de glucose, qui a été considérablemen réduite. Les résultats ont montré que la production de glucose par le foie a chuté de 70 à 80 % entre 75 et 105 minutes après l'ingestion du glucose. Même après 3,5 heures, la production de glucose restait diminuée de 50 %.

Ce phénomène illustre l'un des rôles importants de l'insuline dans la régulation de la glycémie après un repas. En signalant au foie de réduire sa production de glucose, l'insuline aide à prévenir une élévation excessive de la glycémie, qui pourrait survenir lorsque le glucose provenant de l'alimentation entre dans la circulation sanguine. On pourrait dire que l'insuline dit au foie de ne plus produire du glucose puisqu'il y a du glucose qui entre dans le sang à partir du système digestif.

Chez les diabétiques de type 2, l'inhibition de la production de glucose par le foie a été altérée de 40 %. C'est une résistance à l'insuline dans le foie des diabétiques. Le foie ne réagit pas de manière adéquate à l'insuline, ce qui entraîne une production excessive de glucose. En d'autres termes, même en présence d'insuline, le foie continue de synthétiser et de libérer du glucose en trop grande quantité dans le sang, contribuant ainsi à des niveaux de glucose sanguin anormalement élevés. De plus, l'absorption du glucose tissulaire a été altérée d'environ 27 %. C'est de nouveau une résistance à l'insuline. Celle-ci joue un rôle central dans la physiopathologie du diabète de type 2.

La surproduction de glucose par le foie ainsi que la réduction de l'absorption tissulaire du glucose contribuent toutes deux à l'hyperglycémie postprandiale. Cette hyperglycémie chronique peut augmenter le risque de maladies cardiovasculaires (6). Elle peut également affecter les reins, entraînant des maladies rénales (7), et nuire à la santé des yeux, pouvant conduire à des problèmes de vision, comme la rétinopathie diabétique (8).

Conclusion

L'idée selon laquelle l'insuline serait une hormone néfaste, responsable de la prise de poids, est une idée reçue qui mérite d'être nuancée. En réalité, l'insuline joue un rôle primordial dans la régulation de l'appétit et de la glycémie et est essentielle pour le métabolisme des glucides, des graisses et des protéines.

Le contrôle de la glycémie à travers l'alimentation est intéressant uniquement chez les personnes présentant des prédispositions diabétiques ou diabétiques.

Il est important de ne pas se focaliser uniquement sur l'insuline, les variations de glycémie ou les aliments à index glycémique élevé, mais plutôt d'adopter une approche alimentaire globale qui soit durable sur le long terme. Chaque individu réagit différemment aux divers types de régimes alimentaires, et ce qui peut être efficace pour une personne peut ne pas l'être pour une autre. Ainsi, il est capital d'écouter son corps et de trouver un équilibre alimentaire qui favorise le bien-être général. Cela permettra de découvrir ce qui fonctionne le mieux pour vous, en tenant compte de vos préférences, de votre mode de vie et de vos besoins nutritionnels spécifiques. La clé réside dans la personnalisation de votre alimentation pour atteindre vos objectifs de santé et de bien-être.

 

 

Jérôme Caradec - Diététicien nutritionniste

Rédigé par Jérôme Caradec - Diététicien nutritionniste

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